Voyage en Inspirie

10 septembre 2017
Actualités

La semaine dernière j’ai posé mes valises en Inspirie. Un court séjour.
L’Inspirie est le fruit d’une utopie géniale : un mélange de libre échange, de partage, d’harmonisation. L’idée qui se cache derrière : sans produire plus, en limitant le gâchis, devenir collectivement plus riches et devenir plus efficace. L’évolution ultime de notre civilisation pour certains ou un projet de méga secte pour d’autres. Le voyage était tentant.

Préparation

Je m’étais préparé de longue date : téléchargement de guides, téléchargement d’applications, de données, consultation de la réglementation locale, nombreux échanges avec sa diaspora. Bref, cela faisait plus de dix ans que je préparais ce voyage (l’Inspirie fête ses dix ans). J’étais prêt. Il faut dire que j’avais l’impression de maitriser la langue et les pratiques locales. Néanmoins, j’appréhendais. Il faut bien dire que la variabilité des retours sur cette contrée mythique étaient très déroutants. Vous comprendrez bien que le commercial de votre agence de voyage spécialisée en activités extrêmes et le touriste rapatrié en urgence n’utilisent pas le même vocabulaire pour décrire cette contrée. Pas facile de se faire une idée précise de ce pays. Une chose étais sûre : il ne laissait pas indifférent ses visiteurs.

Toujours est-il que j’y ai mis les pieds, mon guide du routard en poche (ses annexes et ses « technical guidances » dans le sac à dos). Curieux, avide de découvrir des cultures et paysages étranges, et cherchant à relever de nouveaux défis cette destination était inévitable.

Devise

Première étape : les devises. Mieux vaut être prévenu : l’Inspirie n’est pas en zone Shapefile, ni en zone GeoJSON. Vous devez vous rendre dans un bureau de change (en général c’est une enseigne HALE) pour convertir vos fichiers à plat et vos tables en GML. Attention, prévoyez un gros porte-monnaie car la monnaie locale est plus encombrante.

Les Inspiriens ont une relation très étrange avec cette monnaie. Les échanges commerciaux doivent utiliser le GML. Rien de vous empêche de posséder des devises (Shapefile, GeoJSON, TAB…). Mais uniquement pour votre usage personnel. Autant dire qu’elles n’ont aucune valeur dans ces conditions (à part les contempler et les montrer à vos proches). Plus étonnant encore, vous avez le droit de faire des copies parfaites de GML. Vous pouvez aussi les diviser ou les coller ensemble. En fait, chaque coupure de GML est numérotée et c’est uniquement ce numéro qui compte. Photocopier des GML ne vous rend donc pas plus riche (contrairement à ce que l’on connaît chez nous avec les Shapefiles). C’est aussi pour cette raison que les Inspiriens les laissent en permanence à la banque alors que chez nous on les accumule sous des matelas. Cela se comprend. Une faillite de nos banques est vite arrivée faute d’échanges financiers entre banques. En Inspirie, les banques se soutiennent les unes et les autres. On peut changer de banque sans formalité et nos biens sont disponibles dans n’importe quelle banque en toute transparence et sans frais.

Faune

Mais bon, si l’on va en Inspirie, ce n’est pas pour sa monnaie. C’est plutôt pour sa faune. Le pays entier est une sorte de parc naturel dans lequel on peut facilement observer des ouebservices. Animaux grégaires, sociables et capricieux. Certains sont très spectaculaires et se laissent approchés alors que d’autres se cachent. Certains peuvent se domestiquer. Certains peuvent être effrayants sans pour autant être dangereux.

La plupart d’entre eux ont une utilité pour l’homme (même s’ils se montrent pas toujours au grand jour). Il faut dire qu’ils sont le fruit d’expériences de généticiens. Certaines d’entre elles semblent avoir mal tourné. [On raconte qu’au départ les premiers ouebservices wéhaifesse avaient tendances à produire des KKML. Un généticien fou aurait réussi à faire en sorte qu’il en sorte du GML à la place. Difficile d’y croire. Sans doute une blague pour se moquer de ces savants fous.] L’utilité des ouebservices dans l’ensemble ne fait pas de doute. Néanmoins, les spécialistes ne sont pas d’accord sur la manière de les nourrir, de les faire se reproduire ou de les exploiter. Ce sont des animaux complexes et très récents. Il est donc légitime que les connaissances qui les concernent fassent débat (même chez leurs créateurs). L’utilité de certains est encore inconnue ou spéculative (la branche des ouebservices invokus). D’autres auraient une utilité évidente dans nos contrées et pourtant sont complètement délaissés en Inspirie : les ouebservices téjihaisse. Ces derniers sont trop rares par chez nous. On se demande si cette espèce n’est pas en train de disparaitre. Il faudrait sans doute qu’elle évolue pour survivre. [Il semblerait que des généticiens soient sur l’affaire]

Beaucoup de touristes veulent adopter un ou plusieurs ouebservices à la suite d’une visite en Inspirie. Malheureusement, s’en occuper nécessite bien souvent des compétences très pointues. De plus leur adaptation à un nouveau régime alimentaire est difficile. Sans parler de leur caractère ; ils ne sont jamais violents mais leurs caprices nécessitent beaucoup de patience. Il n’est pas rare que leurs propriétaires peu expérimentés les abandonnent. Il faut savoir qu’il est aussi possible de mettre ses ouebservices en pension. Ainsi vous pouvez en profiter tout en confiant leurs soins quotidiens à des spécialistes.

Ambiance locale

La population locale, ses mœurs et coutumes laissent une impression étrange :

– un enthousiasme phénoménal de la population dans une ambiance de messages positivistes placardés sur tous les murs par le gouvernement local. Étonnant ce pays où les autochtones donnent l’impression d’être plus heureux que les touristes. Réalité ou subversion ?

– un mélange de liberté totale et de règles de bonnes conduites très complexes. Comment expliquer que l’on a l’impression permanente que la police locale risque de vous tomber dessus (alors que l’on ne la voie jamais) ? Un exemple que presque tous les touristes dans ce pays ont connu au moins une fois : on sort machinalement de son porte-monnaie un billet de Shapefile (que l’on a oublié de convertir au bureau de change) pour se payer un petit souvenir ; le commerçant nous regarde gentiment, hésite un peu avant de le prendre et pendant cette hésitation on se demande s’il va l’accepter ou s’il va appeler la police pour fabrication, recel et usage de fausse-monnaie. La recette pour régler ce moment de gêne bilatéral : on lui explique avec une dose assumée de mauvaise foi que l’on est nouveau et que l’on n’a pas encore assimilé toutes les usages du pays.

– une population locale très peu nombreuse (comparée à celle des touristes qui traversent sans cesse le pays). Elle semble vouloir accueillir le reste du monde à bras ouverts. De fait, on croise plus touristes que d’autochtones. Les premiers demandant en permanence aux seconds de leur expliquer, réexpliquer, réexpliquer, réexpliquer les bons usages locaux (on croit les avoir compris la première fois mais dès qu’on essaie de les mettre en œuvre le doute vous submerge inévitablement). Effectivement, quand on est chez soi on a facilement l’impression que les choses simples sont faites partout de la même manière. Les choses simples devraient être universelles en somme. Mais cette vision des choses n’est plus aussi évidente dès que l’on traverse la frontière (ou même simplement en lisant les guides touristiques).

Evolution

De l’avis général des touristes, le pays a besoin d’être réformé s’il veut continuer à exister (pas uniquement dans le domaine touristique). La complexité des usages et pratiques locales est un défi souvent bien trop important pour ceux qui n’y sont pas nés. Visiblement, ses dirigeants en ont conscience et promettent des changements.

Nous verrons si cette destination tiendra ses promesses.